Kenza Melehi

Discrète, Kenza Melehi fait partie du cercle très fermé des grands noms de la création marocaine. Depuis quelques semaines, elle a réinvesti un riad de l’époque saâdienne pour y puiser son inspiration et présenter ses collections.
Comme dans tous les riads, la porte ne laisse rien présager des merveilles qui se trouvent derrière. Passez le couloir et ses alcôves, montez les marches… Et c’est un petit bijou de la fin du 15e, début 16e, qui s’offre à vous. Au centre, une fontaine de marbre blanc veille sur un patio aux zelliges jalousement préservés. De chaque côté, de grandes portes en bois peintes et sculptées s’ouvrent sur des salons encadrés par des dentelles de marbre, tous plus richement ornés les uns que les autres. Mais cela, vous ne le verrez qu’une fois que votre oeil se sera détaché des créations de Kenza Melehi. Soie, mousseline, georgette, dentelle, brocarts, velours… les matières rivalisent de raffinement. Quant aux broderies, on s’extasie devant tant de délicatesse.
Née à Asilah, au nord du Maroc, Kenza voue depuis son adolescence une vraie passion pour la mode. C’est elle qui habille sa famille, qui choisit les tissus et les modèles. De cette sensibilité, elle décide d’en faire un métier. Direction le Canada. Après des études en communication, elle intègre une école de stylisme à Montréal. En 1996, elle fait un court séjour à Marrakech pour assister à l’exposition de son frère, Mohamed Melehi, à La Mamounia. Elle y croise Abel Damoussi… Lui aussi n’est que de passage. Installé à Londres, il est là pour superviser la décoration des fêtes de fin d’année du célèbre palace. Coup de foudre. Kenza quitte le Canada, Abel, l’Angleterre et ils s’installent à Marrakech. Leur romance commence par l’achat d’une kasbah près d’Agafay et d’un riad en médina. Leur idée : offrir aux visiteurs de passage deux expériences d’hébergement totalement différentes et pourtant complémentaires.
La rénovation du riad demande deux années de travail minutieux pour solidifier les murs, renforcer les piliers tout en préservant les zelliges, les boiseries et les marbres sculptés hérités de l’époque saâdienne. En 2005, le riad devient maison de culture et de musique. Abel y installe un studio d’enregistrement pour promouvoir les musiques du monde et plus particulièrement soufie. De son côté, Kenza se concentre sur la modernisation du caftan. Elle imagine des vêtements qui mettent en avant le travail traditionnel des maâlems. Son souhait : se détacher de l’influence indienne bling bling qui semble séduire les femmes marocaines. Elle se tourne vers un travail plus brut, plus simple où la matière et les finitions raffinées peuvent s’exprimer. Ses créations, elle les pense pour être portées en toute occasion et à toute heure du jour ou de la nuit à travers le monde. Un seul mot prévaut : élégance. Au riad, les vêtements sont coupés avant d’être remis entre les mains des maâlems et des brodeuses. Robes du soir, gandouras, chemisiers, châles, capes, serouals… Broderies et passementeries sont travaillées tels des bijoux et incrustés de manière à dessiner une ceinture ou un pendentif. Son projet ? Imaginer une collection où viendraient s’exprimer des matières moins conventionnelles pour donner naissance à des créations qui se rapprocheraient de l’installation artistique.
La porte du riad se referme sur les répétitions d’un ténor soufi accompagné par un didgeridoo, instrument ancestral de la culture australienne. Un métissage heureux qui, le temps d’un instant, nous fait penser que ce monde a encore d’heureuses rencontres et de jolis moments de poésie à nous offrir.
Ksour Agafay médina : 52 rue Sabet Grawa – (à côté de la Fnac Berbère) Ksour, médina – 06 61 04 10 58